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Anxiogène libératoire

Parfois j’entends, au détour d’une chanson, un *Bip* identique à celui de mon réveil au collège, et pendant un instant, j’imagine que ma vie depuis mes quinze ans n’est qu’un rêve dont je ne vais pas tarder à me réveiller.

Incertitude spatiale

Ici, le froid et la mollesse prédominent, et pourtant, l’impression laissée au fondement est celle du pare-brise aux diptères. Les hypothèses y sont jugées, mais le ton y est marécageux, suppurant de gruaux. La lumière gazeuse ne laisse rien à l’imagination, et perce bien au-delà de la paupière.

Ici, l’attente transpire la terreur. Des vies sont jouées ici, nouées aussi, des réseaux créés et des espoirs soufflés. Mêmes les portes se retiennent de claquer, officiellement, personne n’y passe, mais surtout personne n’y reste. L’espace dément la fonction, quelle bête immense peut nécessiter de telles dimensions, peut-être celle que l’on n’ose perturber. Lové parmi la tuyauterie démesurée, le Silence exulte.

Ici, un esprit malade a choisi de souligner les aspects les plus abjects de la fonction par la forme. Les hères venus ici pour leur sentence n’ont plus même conscience des dangers plus vulgaires qui les menacent. L’œil pervers n’attend finalement que l’une des règles tacites de cet espace soit enfin rompue pour se délecter des conséquences, ce qui expliquerait le choix des portes vitrées.

Ici, la venue en appelle une suivante. La découverte est ravissante, et le secret d’autant plus évident.

En trop pire

Je m’en souviens dans ses moindres détails changeants, ses formes sujettes à mes envies, mes facéties. Elle est le siphon de mon existence, ce vers quoi tout en moi tend. Chaque expérience, la plus infime sensation, étirées, étiolées sur d’effroyables distances, englouties dans un maelström d’inimagination, l’insuffisante somme de mon être.

Elle appelle, aguiche, caresse, courrouce, cajole, réduite qu’elle est par l’étroitesse de mon entendement.

Son évidence est désarmante. Elle ne coule pas de source, elle en est le lit, la dénivellation et la précipitation.
Là où les souvenirs remontent, elle attend, un mince sourire indéfectible, le plus anodin des outils, une clef qui vous ouvre jusqu’à l’âme.
Où que scrute l’œil de l’esprit, qu’importe la direction, elle se fond à la vision, comme gravée dans sa cornée.
Une seule image lui rend véritablement justice (elle et moi nous unissons pour rire de manière condescendante au terme), celle du trou noir. Obscur évidemment, mais bien plus encore, insatiable, insondable, elle dévore invariablement ce qui passe à sa portée et , perceptible uniquement par ce qu’elle n’a pas encore laissé s’abîmer.

La rêve-je ou est-ce elle qui me songe ?

Regret

Une somptueuse rousse, à demi enterrée dans les feuilles, prête à tirer la plus pure mélancolie des angles oculaires à sa merci, elle resplendit d’entropie. Les couleurs se plient et s’embrasent, les chœurs se meurent dans ses songes crépusculaires, et rongent la rouille. Sa voix étouffe, corrompt, déplore, et les nuées désertent encore et toujours. Elle n’est que la Fin, l’unique certitude des paradigmes, la promesse réalisée.

Le moindre regard happé, non par le ravissement, mais par sa propre mire perdue dans l’oraison de ses pensées. Le visage détourné, par pudeur et miséricorde, nous épargne sa cataracte.

Et c’est la damnation que son absence épargne, permettant  au monde de vivre.

Une pierre, une mare et de la vente par correspondance

Je me souviens distinctement de ce muret en ciment couvert de crépi où une génération d’enfants s’était égratigné tout ce qu’elle comptait d’articulations et a englouti moult fois son volume en Mercurochrome© et bisous magiques©. La mince platebande de pensées rongées par le temps courait autour de cette bâtisse vieillotte, tant par sa mise que par son passé. Derrière la façade, un salon en temps normal mal éclairé, la lumière du jour ne dérangeant que rarement le linoléum pégueux. La couleur, tout l’inverse de blafarde, semble se répandre autour, de ses nuances chaudes et beigeasses, rongeant les propriétés chromatiques du mobilier élimé. Çà et là, les indices de vie d’une faune familière turbulente suggèrent immanquablement un vacarme incessant, où les plages de calme seraient un vœu pieux ; et c’est à la fois erroné, le calme est d’autant plus prégnant sans la compagnie de la solitude, mais aussi très juste, car pareille demeure a une vie propre, propre à sa quasi-ruralité, où la charpente et les alentours travaillent de concert à nier les quelques véritables silences.

Cette cuisine, ce formica blanc transpirant le gras et les saveurs riches, s’éventre sur les autres pièces, déversant sa chaleur, les nourrissant de vie. Foyer de réunions familiales interminables et révolues, ce minuscule réduit d’où sorte d’inconcevables quantités de denrées.

Qui y âge ?

Le train fait un arrêt en pleine voie, quelqu’un sort par la trappe malgré les annonces, et la laisse ouverte.

Des flots de polenta s’engouffrent par l’ouverture sans que ça n’inquiète personne. Une petite paluche bleutée pend mollement du tas qui maintenant obstrue le jour de la trappe. L’amoncellement cesse, une coulée découvre le reste du bras et le visage du Cookie Monster.